C’est dans le parc du château d’une des 16 préfectures de région choisies pour accueillir les interprètes afghans menacés qu’Aziz et Mohammad ont décidé de répondre à nos questions. Les deux jeunes hommes sont célibataires, ils ont moins de 25 ans et sont originaires de Kaboul. Aziz nous a donné rendez-vous mais c’est Mohammad qui prend la parole.
Il y a cinq ans, Mohammad arrête ses études de littérature pour travailler avec l’armée française. Ses motivations : l’apprentissage de la langue et l’argent : “c’était difficile pour l’armée française de trouver des interprètes car les Afghans connaissent plus l’anglais, c’est pour ça qu’on était bien payé.” Entre 700 et 800 euros en fonction des postes dans un pays où le salaire moyen oscille entre 100 et 250 euros. Mohammad a travaillé à l’entrée d’une base militaire en Kapisa, loin des combats mais exposé au regard des notables locaux. Pendant plusieurs semaines, Mohammad questionne ses supérieurs : il voit certains interprètes ayant travaillés pour les Américains quitter définitivement l’Afghanistan au bout de deux ou trois ans de contrat. Du côté français, rien… pour le moment...
Quand l’ambassade de France ouvre le dispositif d’accueil fin 2012, Mohammad est décidé à quitter l’Afghanistan. Pendant près d’un mois, il travaille sur son dossier : CV, photos, lettres de recommandation… Trois semaines après, il est convoqué à l’ambassade pour des tests médicaux. Un mois et demi plus tard, Mohammad monte à bord d’un avion militaire, direction Paris.
La CAF, Pôle emploi, “ des trucs comme ça”, l'ancien interprète est accueilli en France par les services sociaux. Une carte de séjour de 10 ans au bout de trois semaines, une carte vitale quatre mois plus tard, les APL, la Couverture Maladie Universelle… Trois mois après son arrivée, Mohammad vit avec les 500 euros du Revenu de Solidarité Active dans un studio de la banlieue populaire de sa ville d’adoption.
Les études ? Difficile de s’inscrire à l’université sans renoncer au RSA. L’ancien interprète abandonne l’idée de devenir informaticien ou infirmier et décide de suivre une formation d’électricien. Un peu plus d’un an après son installation en France, Mohammad s’est fait à l’idée de devenir ouvrier. Il vise désormais une seule chose : “gagner sa vie...”